Archives de la loire
Notes sur Mandrin par J. de Fréminville, Archiviste de la Loire.
IMPRIMERIE ÉLEUTHÈRE BRASSART, RUE DES LEGOUVÉ. 20, MONTBRISON 1894
En dépouillant les registres de baptêmes, mariages et sépultures de la commune de Saint-Médard, du canton de Saint-Galmier, j'ai trouvé relatées sous formes de note de souvenir, de chanson et de complainte des appréciations sur le plus célèbre contrebandier du XVIIIe siècle, appréciations qui m'ont paru peu en rapport avec ce que l'imagination ou les traditions plus ou moins travesties ont fait de cette étrange physionomie.
Mandrin, au moins dans les campagnes, auprès du populaire, passe ordinairement de nos jours pour une sorte de brigand calabrais ou de détrousseur de grandes routes, en lutte avec toute la société, sans distinction de personnes, A s'en rapporter à ce que dit l'humble desservant d'une petite paroisse, contemporain des faits, et qui par sa situation était à même de bien recueillir les impressions de paysans vivant dans une province et à proximité de localités — Montbrison, Boën, St-Bonnet-le-Château, St-Etienne — visitées chacune deux fois en l'espace de six mois par Mandrin et sa troupe, il faudrait seulement voir dans ce héros de légendes un ennemi juré des fermiers-généraux et de leur administration qu'il considérait comme oppressive et mettait en coupe réglée par les plus grandes violences. La régie de l'époque, par ses exactions, était peu en faveur, d'où l'on s'explique facilement qu'auprès du peuple, des petits qu'il n'attaqua jamais, qu'il défendit et secourut même parfois — on cite de lui des traits de générosité — Mandrin ait passé de son vivant pour un vengeur et après sa mort pour une victime malgré le côté tout personnel de ses entreprises.
Extraits des registres paroissiaux de la commune de Saint-Médard, canton de Saint-Galmier (Loire).
Notes rédigées par l'abbé Léonard, vicaire desservant
Année 1754.
Notte sur le brave Mandrin, chef des contrebandiers, qui avoient apportez dans ce pais du bon tabac de Saint-Vincent pour 35 s. à 36 s. la livre, ce qui faisait autant de plaisir que de service au public dont il s'était attiré la confiance et à ses gens. Après quoy, ledit Mandrin, intrépide, en fournit aux grands déposts, au bureau de la ville de Montbrizon, du Puy et de plusieurs autres villes jusqu'en Auvergne auxquels il le vendait sur le pied du tabac d'Hollande et en même tems faisait ouvrir les portes des prisons royaux et mettait en liberté les prisonniers, à l'exception toutefois de ceux qui y étaient pour vols et rapines, sans que personne s'y opposât, pas même le ministère public. Il était si vigoureux et redoutable qu'à la tête de sa troupe il passa et repassa le Rhône, malgré le régiment de la Morlière-Dragon qui le bordait et qu'il fit plier. On n'a pas vu son pareil pour le courage et l'entreprise ; aprez son passage du Rhône, ayant cessé de faire son commerce à cause de quelques dragons que le roy avoit envoyé dans les provinces pour l'arrêter, outre le régiment de la Morlière, l'on prétend que ledit Mandrin a mis à contribution la ville de Beaune en Bourgogne pour la somme de 20.000 1. et la ville d'Autun pour 10.000 1. pour solder ou soudayer sa troupe pour gagner le païs étranger et l'on croit qu'il s'est luy-même retiré à Paris pour être plus en grande sécurité. L'on n'en sait pas davantage jusqu'à présent, à Dieu jusqu'à l'année prochaine.
Deo adjuvante.
Extrait de l’état civil de la commune d'Aveizieux en Forez
Dans « l’état civil » tenu par les curés, on retrouve la même note que celle ci-dessus, noté cette fois par le curé Jean Baptiste Violier en 1754-1755 sur les registres paroissiaux du village d’Aveizieux en Forez les informations suivantes.
Publié par Fab77 le vendredi 13 décembre 2013 à 13:21
Dans les registres paroissiaux de Blanot, paroisse du Mâconnais non loin de Cluny, à la fin de chaque année, le curé note tous les évènements survenus pendant l’année écoulée (conditions climatiques, récoltes, …). A la fin des années 1754 et 1755, il écrit quelques lignes sur Mandrin.
1754 (site internet AD71 – BMS Blanot 1751-1778, page 31/200) : (…) "La province du Mâconnais et de la Bourgogne et la Bresse ont été beaucoup inquiété cette année par une troupe de contrebandiers armées qui entraient dans les villes et faisaient faire par force des contributions aux commis des fermes générales, et entrèrent à Cluny le samedy 25 8bre au nombre de 150 tous armés et à cheval, forcèrent le geolier de leur donner les clefs des prisons et firent sortir tous ceux qui étaient tant criminels qu’autres. Sa majesté informé de toutes leur entreprises fit fermé les portes des villes, ordonna aux habitants de monter la garde, envoya des garnisons partout où l’on apprenait que des gens les avaient quelques vû. M. de Tavanne fit publié un ordre dans toutes les villes et villages de son département de faire main basse sur eux partout où on les rencontrerait comme ennemis de l’état. Ce … se sont jettés en Suisse. Ils pouvaient bien faire encore quelques courses dans ce pays cy l’année prochaine. Ils ont pour chef un homme entreprenant et courageux qu’on appelle Mandrain et qui a donné son nom à toute sa troupe".
1755 (site internet AD71 – BMS Blanot 1751-1778, page 40/200) : (…) "Le nommé Louis Mandrin dont nous avons parlé l’année dernière qui s’était mis à la tête des contrebandiers fut arrêté par des troupes de France le 11e may au château de Rochefort en Savoye et fut roué vif à Valence le 26 may 1755."